L’importance du multilinguisme/plurilinguisme

En lisant l’article de La Libre : « Le gros problème en Wallonie, c’est le manque de multilinguisme », l’idée nous est venue d’aborder ce sujet si important dans notre société en donnant notre opinion sur la question et en approfondissant la réflexion du plurilinguisme.

Le multilinguisme est de plus en plus présent dans la vie quotidienne de nombreuses personnes, notamment celles qui vivent dans un environnement qui leur impose la connaissance d’une ou plusieurs nouvelles langues. De nombreux étrangers vivent dans des pays où la culture et la langue sont complètement différentes des leurs, et n’ont souvent de contact avec leur langue maternelle que lorsqu’ils sont en famille. Savoir parler une ou plusieurs autres langues est aujourd’hui très important en raison de la mobilité des personnes et des connexions internationales dans un monde globalisé.

Cependant, nous constatons encore l’omniprésence de préjugés et de malentendus sur le multilinguisme, souvent associés à la croyance que certaines langues sont utiles et doivent donc être soutenues dans leur apprentissage et maintenues dans le temps (l’anglais étant l’exemple criant), alors que d’autres langues – dites « minoritaires » – n’ont pas la même valeur pratique et peuvent constituer un obstacle en termes de parcours éducatif et d’intégration sociale.

Une autre opinion préconçue très répandue est la conviction selon laquelle une personne n’est bilingue que si elle a appris deux langues simultanément depuis sa naissance et qu’elle possède un niveau de compétence très élevé dans les deux langues. Les chercheurs utilisent plutôt le terme « bilinguisme » de manière inclusive pour désigner les personnes qui connaissent plus d’une langue apprise dans l’enfance et à l’âge adulte. En outre, le « bilingue parfait » n’existe pas : le niveau de maîtrise d’une langue par rapport à l’autre varie généralement dans le temps en fonction des expériences d’utilisation dans différents contextes et situations. Une personne peut avoir la capacité d’être autonome dans une langue sans obligatoirement être parfaite bilingue. Cela vaut pour les enfants qui sont confrontés à plusieurs langues mais ne parle aucune très bien. Il est nécessaire d’enlever cette pression que subissent les enfants à devoir parler impeccablement toutes les langues qu’ils apprennent.

La recherche linguistique et cognitive sur le multilinguisme révèle une image qui contredit les idées reçues et démontre que le multilinguisme est bénéfique non seulement d’un point de vue pratique, mais aussi du point de vue du développement et de la flexibilité du cerveau : il affûte l’esprit, améliore la prise de décision, améliore la connaissance de la langue maternelle, , améliore la capacité à effectuer plusieurs tâches à la fois, améliore la mémoire ;en bref, le multilinguisme a le pouvoir « d’ouvrir l’esprit ».

Les avantages d’avoir plus d’une langue active dans le cerveau ont été démontrés dans différents domaines et sont liés au comportement tant linguistique que général. Par exemple, les personnes bilingues ont plus de facilité à comprendre la perspective et le point de vue des autres, car elles apprennent très tôt que tout le monde n’est pas unilingue et qu’il faut choisir une langue plutôt qu’une autre en fonction de son interlocuteur. D’autres études ont révélé un contrôle plus efficace de l’attention chez les bilingues, compris comme la capacité de se concentrer sur les informations pertinentes et d’adapter l’attention avec souplesse en fonction des circonstances. Il a également été démontré que le bilinguisme peut influencer positivement la capacité d’une personne à raisonner à la fois sur la langue elle-même (compétences dites métalinguistiques) et d’une manière logique plus générale, conférant des avantages potentiels dans l’environnement scolaire, mais aussi plus globalement pour l’économie de la société. Si on se réfère à la gestion de plus d’une langue dans le cerveau et la « gymnastique cérébrale » qui s’ensuit, le multilinguisme doit être considéré comme une ressource qui enrichit non seulement les horizons culturels, mais aussi les capacités sociales et cognitives des individus.

  • Développer les compétences en communication

Les personnes qui parlent plusieurs langues ont la capacité de mettre en œuvre de nouvelles stratégies de travail, leur spontanéité se développe, leur attention distributive est très développée, car elles ont des fonctions cognitives flexibles et une compréhension un peu meilleure des différences entre les cultures, ce qui les aide à s’adapter facilement aux changements qui les entourent.

 

  • Le bilinguisme/multilinguisme développe l’empathie

Les enfants qui ont grandi dans un environnement multilingue apprennent rapidement dans quelle situation ou avec quelle personne parler une langue ou une autre. Il a été constaté que ces enfants apprennent très tôt à identifier l’humeur d’une personne, de sorte que leur développement émotionnel est nettement plus prononcé. En outre, ce type de « formation » développe la capacité d’écoute.

  • Comprendre la diversité culturelle et le développement de la personnalité

Susan Ervin, sociolinguiste renommée (depuis 1968), affirme qu’une langue étrangère parlée modifie la personnalité d’un individu, et cette théorie a été confirmée au fil du temps par d’autres chercheurs. Toute langue révèle des différences culturelles, et pour apprendre une langue étrangère et être capable de la parler couramment, il est nécessaire de s’immerger dans la culture que cette langue représente.

  • L’apprentissage des langues étrangères n’a pas d’âge

De nombreux adultes pensent qu’à partir d’un certain âge, il est impossible d’apprendre une nouvelle langue. De nombreuses études confirment qu’en vieillissant, il est plus difficile de comprendre une langue autre que sa langue maternelle, mais le cerveau adulte peut être entraîné à apprendre des sons étrangers avec facilité. La plupart du temps, les difficultés rencontrées par les adultes ne sont pas biologiques, mais plutôt perceptuelles. Avec les bons stimuli, les adultes peuvent apprendre une langue étrangère sans trop de difficultés. L’apprentissage des langues n’a donc pas d’âge, mais il présente certainement de nombreux avantages !

  • Les enfants bilingues réussissent bien à l’école

Selon des études, les enfants qui maîtrisent au moins deux langues ont plus de facilité à se concentrer sur des tâches professionnelles, en ignorant les facteurs externes qui pourraient les distraire. Ces compétences sont entraînées précisément par le processus de passage d’une langue parlée à une autre, la capacité de filtrer les informations et de faire la distinction entre les deux.

Nous pouvons tirer de nombreuses conclusions de cette liste… Si nous prenons en compte les avantages mentionnés ci-dessus (sociaux, communicatifs, professionnels, cognitifs …), nous pouvons conclure que le multilinguisme façonne les sociétés et leur donne une certaine identité. De notre point de vue, montrer de l’intérêt pour d’autres langues et cultures indique une volonté d’apprendre, de l’humilité et un développement personnel. C’est précisément la raison pour laquelle nous ne considérons pas l’apprentissage d’une langue étrangère comme quelque chose qui fait seulement partie du futur curriculum d’un enfant. C’est quelque chose qui va beaucoup plus loin : il donne des valeurs bien nécessaires aux générations futures. Si on se focalise particulièrement sur le pacte d’excellence récemment ratifié dans notre pays, nous pouvons observer quelques points focaux. L’apprentissage du néerlandais ne commence qu’en troisième primaire et l’introduction de l’anglais se fera qu’en troisième secondaire. Il serait peut-être plus salutaire d’insérer ces langues bien avant dans la vie d’un enfant. Personne ne propose d’apprendre une grammaire poussée à un enfant mais via des jeux, la musique, les ateliers de langue, il est possible de familiariser et donner envie au petit d’acquérir les bases d’une nouvelle langue.

SOURCES :

Multilinguisme et orthophonie : réflexions et pratiques à l’heure de l’Europe, Bijleveld Henry

Vivre le multilinguisme : difficulté ou richesse pour l’enfant ? , Bergès-Bounes Marika

Le multilinguisme en contexte éducatif au 21ème siècle : perspectives critiques, Van Mensel Luk

https://www.lesoir.be/309786/article/2020-06-26/comment-le-multilinguisme-transforme-bruxelles

https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Langue-francaise-et-langues-de-France/Nos-missions/Encourager-le-multilinguisme

https://www.axl.cefan.ulaval.ca/Langues/3cohabitation_phenom-universel.htm